« Göttingen », chanson de la réconciliation franco-allemande

  « Bien sûr, ce n’est pas la Seine, ce n’est pas le bois de Vincennes, mais c’est bien joli tout de même, à Göttingen, à Göttingen… » : les paroles de cette chanson de la célèbre chanteuse française Barbara sont bien plus qu’une ode à la petite ville allemande du Land de Basse-Saxe. Composé en 1964, le morceau est un hymne à la réconciliation franco-allemande. Retour sur l’histoire de cette musique qui a bouleversé la France et l’Allemagne.

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Crédits photo : http://www.francemusique.fr

Pas de quais et pas de rengaines
Qui se lamentent et qui se traînent,
Mais l’amour y fleurit quand même,
A Göttingen, à Göttingen.

  Invitée durant l’été 1964 par Hans-Günther Klein, directeur du Junges Theater de Göttingen, afin d’y organiser un concert dans la ville, Barbara se rend en Allemagne alors même que le traumatisme de la Seconde Guerre mondiale est encore présent dans son esprit. De confession juive, la jeune Barbara avait dû déménager à plusieurs reprises dans diverses villes françaises pour échapper à la déportation.

Ils savent mieux que nous, je pense,
L’histoire de nos rois de France,
Herman, Peter, Helga et Hans,
A Göttingen.

Et que personne ne s’offense,
Mais les contes de notre enfance,
« Il était une fois » commencent
A Göttingen.

  Mais une fois sur place, tout ne se passe pas comme prévu : le piano à queue demandé par la chanteuse n’est pas là, et Barbara est irritée à l’idée de devoir faire son concert avec un piano droit. Commence alors une mobilisation étonnante d’étudiants allemands pour trouver un piano à queue. L’instrument est finalement prêté par une vieille dame habitant Göttingen.

Bien sûr nous, nous avons la Seine
Et puis notre bois de Vincennes,
Mais Dieu que les roses sont belles
A Göttingen, à Göttingen.

Nous, nous avons nos matins blêmes
Et l’âme grise de Verlaine,
Eux c’est la mélancolie même,
A Göttingen, à Göttingen.

  A la fin du spectacle, le public allemand ovationne Barbara pour sa prestation, oubliant presque aussitôt la réaction désagréable de la chanteuse au moment de son arrivée dans la salle. Emue par l’accueil et la gentillesse des habitants de Göttigen, Barbara décide de prolonger son séjour dans la ville d’une semaine, au terme duquel elle interprètera une première version de la fameuse chanson hommage : Göttingen.

Quand ils ne savent rien nous dire,
Ils restent là à nous sourire
Mais nous les comprenons quand même,
Les enfants blonds de Göttingen.

Et tant pis pour ceux qui s’étonnent
Et que les autres me pardonnent,
Mais les enfants ce sont les mêmes,
A Paris ou à Göttingen.

  A propos de cette anecdote, Barbara écrira dans son autobiographie : « En Göttingen je découvre la maison des frères Grimm où furent écrits les contes bien connus de notre enfance. C’est dans le petit jardin contigu au théâtre que j’ai gribouillé ‘Göttingen’, le dernier midi de mon séjour. Le dernier soir, tout en m’excusant, j’en ai lu et chanté les paroles sur une musique inachevée. J’ai terminé cette chanson à Paris. Je dois donc cette chanson à l’insistance têtue de Gunther Klein, à dix étudiants, à une vieille dame compatissante, à la blondeur des petits enfants de Göttingen, à un profond désir de réconciliation, mais non d’oubli.« 

Ô faites que jamais ne revienne
Le temps du sang et de la haine
Car il y a des gens que j’aime,
A Göttingen, à Göttingen.

  Bien plus qu’une expression de la reconnaissance de la chanteuse envers les jeunes Allemands qui ont sauvé son concert, le morceau Göttingen est un véritable hymne à l’amitié franco-allemande, à la beauté des deux pays, mais aussi aux horreurs que la France et l’Allemagne ont vécues ensemble.

  Plusieurs hommages seront d’ailleurs rendus à Barbara pour son texte : en 1988, la ville de Göttingen lui remet la Médaille d’honneur. En 2002, cinq ans seulement après le décès de la chanteuse, Göttingen célèbre à nouveau sa mémoire en inaugurant la Barbarastraße (rue Barbara) et inscrivant la chanson de Barbara dans les programmes officiels des classes primaires. Enfin, l’année suivante, les commémorations des 40 ans du Traité de l’Elysée entre la France et l’Allemagne sont marquées par les dernières strophes de Göttingen, chantées par l’ancien chancelier Helmut Kohl lui-même. Autant d’hommages qui prouvent bien que le titre de Barbara est aussi avant tout un message de paix.

Et lorsque sonnerait l’alarme,
S’il fallait reprendre les armes,
Mon coeur verserait une larme
Pour Göttingen, pour Göttingen.

Virginie CARDOSO